Je viens, front dépouillé, devant l’arche invisible,
Portant l’ombre d’un feu que nul n’a pu saisir.
J’ai semé des échos sur la page sensible,
Et nourri des oiseaux que nul ne peut tenir.
Je n’ai point d’autre bien que ce fruit de silence,
Mûri loin des marchés, au creux d’un bois ancien.
Un verbe s’y repose, un soupir y commence,
Et chaque mot versé contient un peu de pain.
Protège, ô vent sacré, la flamme que je livre
Elle est faite de cendres et de jours sans appel.
Ce n’est point une chose, c’est un éclat pour vivre,
Un éclat de lumière au fond d’un puits mortel.
Les coffres sont fermés, les clefs rongées d’oubli,
Le monde pèse d’or, mais moi, je pèse d’âme.
Je laisse aux héritiers le cuivre et les rubis
Gardez-moi la parole, et rendez-lui sa rame.
Qu’elle vogue en silence au-delà des saisons,
Sans maître ni valet, ni contrat, ni balance.
C’est un enfant d’encre aux fragiles cloisons,
Un souffle confié nu à la haute Espérance.
Car j’ai vu mille fois les palais s’effondrer,
Les noms s’évaporer sous l’écume des rires,
Mais l’arbre des symboles, lui, peut encor durer,
S’il croît dans une main qui ne veut point en tirer.
Alors, forces du seuil, si vous me reconnaissez,
Comme un veilleur usé par le feu qu’il éclaire,
Offrez à mon dépôt la garde des passés —
Ce chant sans autre prix que de franchir la terre.