Le Temps a passé

Le temps a passé
comme un vent invisible sur les cimes,
comme un fleuve qui fuit sans se retourner.

Il a laissé, sur les pierres, la mousse,
sur les visages, la ride,
dans les âmes, un creux.

Les rires d'autrefois sont devenus échos,
les voix familières, silence ;
les maisons pleines d'enfants
sont devenues vastes et vides
comme des cathédrales abandonnées.

Le temps a passé
avec ses sabres, ses baisers, ses chaînes,
il a pris les promesses, les guerres, les printemps,
et les a jetés dans l’abîme des jours consumés.

Moi, je suis là,
debout sur le seuil d’un soir trop vaste,
et je regarde les ombres s’allonger
comme des géants lassés.

Je me souviens d’un matin,
d’un regard, d’un nom qu’on ne prononce plus.
Le monde était jeune alors
le ciel ouvrait ses ailes,
et tout semblait possible.

Mais le temps a passé
non pas en bourreau, non pas en dieu,
mais en chose plus froide encore
un témoin sans pitié.

Et pourtant…
dans les ruines de mes heures,
une étincelle danse.
Car tout ce que le temps n’a pu briser
vit encore, là, dans mon souffle.

Et si tout doit s’effacer,
qu’un mot, un seul, résiste :

j’ai aimé.